Accélération de l'Initiative d’élimination des maladies
Chapitre 1. Présentation générale de l'Initiative d'élimination des maladies

Résumé
L’Initiative d’élimination des maladies est un cadre complet qui vise à éliminer plus de 30 maladies transmissibles et conditions connexes dans la Région des Amériques d’ici à 2030. L’Organisation panaméricaine de la Santé est bien ancrée dans l’élimination des maladies et l’initiative s’appuie sur plus de 120 ans d’efforts en matière de santé publique. Adoptant une approche intégrée et multisectorielle pour s’attaquer aux schémas complexes de transmission des maladies, l’Initiative d’élimination cible quatre domaines clés : 1) renforcer l'intégration des systèmes de santé et de la prestation des services, 2) consolider les systèmes de surveillance sanitaire et d'information sur la santé, 3) intervenir sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé et 4) renforcer la gouvernance, la gestion stratégique et le financement. Cette initiative met l’accent sur l’équité, en ciblant les populations qui vivent dans des conditions de vulnérabilité et en envisageant l’ensemble du parcours de vie dans son approche.
Quelques mois à peine après le lancement de l’Initiative d’élimination des maladies, la pandémie de COVID-19 a débuté, qui a ralenti les efforts déployés dans le cadre de cette initiative. Même si les progrès ont repris à l'issue de la pandémie, un certain nombre d’autres obstacles menacent encore de ralentir les efforts d’élimination des maladies, notamment les migrations, l’essor des maladies non transmissibles, les iniquités en matière de santé, les changements climatiques et les contraintes liées aux ressources. Malgré ces obstacles, il existe des possibilités de progression grâce à l'amélioration des technologies, à une sensibilisation accrue aux déterminants sociaux de la santé, et aux innovations dans la prestation des services stimulées par la pandémie de COVID-19. L’Initiative d’élimination des maladies offre un cadre structuré, qui permet aux pays de tirer parti de ces possibilités et de tenir compte de leurs propres contextes et priorités en matière de lutte contre les maladies transmissibles.
Pourquoi l'Initiative d'élimination des maladies, et pourquoi maintenant ?
Dans les années 2010, la Région des Amériques se trouvait à un tournant en matière d'élimination des maladies transmissibles. Alors que l’OPS et ses États Membres affichaient une réelle réussite dans la lutte contre certaines maladies, en particulier les maladies à prévention vaccinale comme la rubéole et la rougeole, de nouveaux problèmes émergeaient ou présentaient un degré d'urgence accru. Et malgré les progrès accomplis en matière d’amélioration des systèmes de santé, de mise au point de nouvelles technologies et de renforcement des partenariats multisectoriels, les revers et les difficultés étaient plus nombreux que jamais. Les changements climatiques, la réticence à la vaccination, les inégalités d’accès aux services de santé et les nouvelles maladies infectieuses n'étaient que quelques-uns de ces problèmes critiques auxquels la Région était confrontée à la fin des années 2010. De toute évidence, le simple maintien des efforts d’élimination des maladies était insuffisant pour lutter contre les schémas complexes de leur transmission, qui continuait de peser sur la Région.
Bien que certains programmes abordaient plusieurs maladies simultanément, nombre d’entre elles ont continué à être traitées de manière isolée. C’est alors que l’OPS et les États Membres ont reconnu la nécessité d’un cadre global plus ambitieux pour intégrer les services sur une plus grande échelle. Dans ce contexte et sous la direction de l’ex-Directrice Carissa Etienne, l’OPS a lancé une initiative audacieuse, qui a apporté structure et pragmatisme au problème complexe de l’élimination des maladies transmissibles. Cette initiative s’est appuyée sur les structures existantes, telles les systèmes, technologies, programmes intégrés et alliances élargies de parties prenantes, qu’elle a complétées par un cadre global, qui reliait les systèmes pour aborder simultanément plus de 30 maladies et problèmes en un dispositif commun. Cette initiative a également valorisé une approche centrée sur la communauté et sur la personne, en veillant à ce que les États Membres ne laissent personne pour compte lors du déploiement de leurs efforts pour vaincre les maladies transmissibles sur l'ensemble de la Région.
Comment l’Initiative d’élimination des maladies a été établie
Des réunions essentielles, dont une consultation régionale en 2015 sur l’élimination des maladies dans la Région des Amériques, ont permis de plaider en faveur des efforts d’élimination de plusieurs maladies et d’impulser une dynamique en la matière. Sous le leadership de l’OPS, des experts régionaux ont ensuite élaboré le schéma directeur de ce qui allait devenir l’Initiative d’élimination des maladies. Contrairement aux programmes précédents, cette initiative a été conçue non seulement pour combiner des maladies aux modes de transmission semblables (par exemple, la syphilis et le VIH), mais aussi pour s’attaquer à des catégories élargies de maladies et de problèmes responsables des charges de morbidité les plus élevées de la Région.
Finalement, l’OPS et les États Membres ont inclus plus de 30 maladies et problèmes à l’Initiative d’élimination des maladies, qui a été approuvée par le Conseil directeur de l’OPS en septembre 2019. La ratification de l’initiative était alignée sur les engagements des États Membres de l’OPS à l’égard des politiques de développement et de santé connexes, notamment le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (qui a établi les objectifs de développement durable) et le Programme d'action sanitaire durable pour les Amériques 2018-2030 (1, 2).
© OPS
En mars 2020, six mois seulement après le lancement de l’initiative, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que la COVID-19 était une situation d’urgence mondiale. L'aggravation brutale de la pandémie a provoqué de graves perturbations dans la vie quotidienne, submergé les systèmes de santé de nombreux pays (en réduisant l’accès et la disponibilité des services de santé non liés à la COVID-19), interrompu les chaînes d’approvisionnement et déclenché une crise économique qui s’est accompagnée de fermetures d’entreprises et d'une montée en flèche du chômage. Avec un nombre élevé de cas et de décès dans la Région des Amériques, la COVID-19 a également révélé les inégalités existantes, tout en les exacerbant.
Si la COVID-19 a mis en lumière des lacunes dans les systèmes de santé, elle a également offert de nouvelles possibilités de fournir des services plus complets. Conscient de cette réalité, l’actuel Directeur de l’OPS, Jarbas Barbosa da Silva Jr., a ratifié et relancé l’Initiative d’élimination des maladies en 2023. Ce recentrage sur l’Initiative d’élimination a constitué une occasion cruciale d’encourager les États Membres non seulement à renforcer les systèmes pour mieux faire face à la question de l’élimination des maladies transmissibles, mais aussi à se relever des revers dus à la pandémie. Au lendemain de celle-ci, des efforts d’élimination ciblant plusieurs maladies de manière intégrée peuvent finalement aider les pays à reprendre, voire accélérer, les progrès vers la santé universelle.
Encadré 1. Qu’est-ce qu’une « approche intégrée » de l’élimination des maladies ?
L’expression « approche intégrée » est utilisée tout au long du présent rapport. En pratique, cela signifie que l’approche aborde simultanément plusieurs domaines et services de santé pour maximiser les résultats en la matière. Selon l'OMS, on entend par services de santé intégrés des services « gérés et fournis de façon à assurer à chacun la continuité des services de promotion de la santé, de prévention des maladies, de diagnostic, de traitement, de prise en charge, de réadaptation et de soins palliatifs, coordonnés aux différents niveaux et dans les différents sites de soins, dans le cadre ou à l’extérieur du secteur de la santé, conformément à ses besoins tout au long de la vie ». (a)
Les approches intégrées peuvent se traduire diversement et combiner la prestation des services en un même lieu, favoriser l’orientation des malades et établir des liens entre les prestataires, associer les efforts de suivi et de surveillance, et promouvoir des politiques multisectorielles qui ciblent les besoins des personnes dans leur contexte de vie.
Voici quelques exemples d’approches intégrées relatives à l’élimination des maladies :
- Définir les contenus et privilégier l’approche « dépistage et traitement » en une consultation unique de soins de santé primaires, et renforcer les systèmes d’orientation ;
- Combiner le suivi et la surveillance de différentes maladies et de diverses questions de santé ;
- Profiter des interventions dans les maternités hospitalières pour vacciner les nouveau-nés, dépister chez eux certaines maladies et dépister chez les femmes enceintes et les nouveau-nés les maladies transmises de la mère à l’enfant, puis les traiter ;
- Former le personnel des cliniques de santé sexuelle et reproductive au dépistage, au traitement et à la prévention du VIH, de la syphilis et d’autres infections sexuellement transmissibles, des hépatites B et C, des cancers liés au virus du papillome humain et de la tuberculose ;
- Intégrer l’eau, l’assainissement et l’hygiène aux initiatives en matière de logement, afin d’améliorer les conditions de vie qui se répercutent sur de multiples maladies ;
- Appliquer des approches rentables de gestion intégrée des vecteurs pour lutter contre les maladies à transmission vectorielle ;
- Prendre en compte l’impact de la gestion des maladies transmissibles chroniques dans le cadre de l’élimination des maladies transmissibles ;
- Reconnaître les liens entre la santé des personnes, la santé des animaux et la santé de notre environnement commun en appliquant l’approche « Une seule santé » ;
- Déployer des cliniques de santé et des équipes médicales mobiles pour résoudre les problèmes de transport qui peuvent empêcher les personnes de se rendre dans les centres de santé ;
- Intégrer aux systèmes de santé les pratiques traditionnelles visant la guérison, afin de reconnaître et d’aborder les questions interculturelles.
(a) Organisation mondiale de la Santé. Cadre pour des services de santé intégrés centrés sur la personne : Rapport du Secrétariat [document A69/39]. Soixante-Neuvième Assemblée mondiale de la Santé. Genève : OMS ; 2016. Disponible sur : https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA69/A69_39-fr.pdf.
Pourquoi est-il essentiel d’adopter une « approche intégrée » pour l’élimination des maladies ?
Le cadre de l’Initiative d’élimination prévoit de mobiliser l’ensemble du système de santé afin que les programmes et les services de santé ne soient pas menés indépendamment les uns des autres. L’approche de l’initiative tient également compte des besoins propres à chaque environnement et à chaque population, tout en contextualisant les enjeux transfrontaliers et régionaux qui ont une incidence sur les programmes de santé et sur les efforts d’élimination des maladies. Enfin, l’une des raisons les plus importantes d’appliquer une approche intégrée est d’assurer des soins davantage centrés sur la communauté et sur la personne, en ciblant non pas les maladies elles-mêmes, mais les personnes et les communautés les plus affectées par ces maladies.
Le nombre et l’ampleur des maladies transmissibles et des problèmes connexes sont considérables dans la Région des Amériques. De ce fait, l’initiative vise une sélection de maladies qui constituent une charge importante et affectent de manière disproportionnée les communautés vivant dans des situations de vulnérabilité, notamment les populations autochtones et celles d’ascendance africaine, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), et les migrants. Lors de l’élaboration de la politique, l’OPS a également priorisé les maladies qui peuvent être facilement maîtrisées à l’aide des technologies et des outils existants.
L’Initiative d’élimination des maladies reconnaît et promeut les liens et les synergies au sein du système de santé, ainsi que les liens avec d’autres secteurs. Les interventions multisectorielles sont primordiales pour de nombreuses maladies visées par l’initiative. Pour que la mise en œuvre de ce cadre intégré soit couronnée de succès, un large éventail de parties prenantes doit participer, notamment de multiples secteurs gouvernementaux, des parrains, des donateurs et des bailleurs de fonds, des représentants et des organisations de la société civile, ainsi que le secteur privé.
Maladies et problèmes compris dans l’Initiative d’élimination des maladies
Le tableau 1 énumère les maladies et problèmes connexes compris dans l’Initiative d’élimination des maladies pour leur élimination d’ici à 2030.
Élimination de la maladie
- Épidémies de méningite bactérienne
- Cancer du col de l'utérus
- Maladie de Chagas
- Choléra
- Maladie de Chagas congénitale
- Syphilis congénitale
- Échinococcose kystique/hydatidose
- Fasciolase
- Hépatites B et C
- Transmission mère-enfant de l’hépatite B
- Transmission mère-enfant du VIH
- VIH/sida
- Rage humaine transmise par le chien
- Lèpre
- Filariose lymphatique
- Paludisme
- Onchocercose
- Peste
- Schistosomiase
- Infections sexuellement transmissibles
- Géohelminthiases
- Trachome
- Tuberculose
Élimination des déterminants environnementaux de la santé
- Défécation à l'air libre
- Combustibles polluants dans les foyers
Maintien de l'élimination
- Rubéole congénitale
- Rougeole
- Tétanos néonatal
- Poliomyélite
- Rubéole
- Épidémies de fièvre jaune
Éradication
- Fièvre aphteuse
- Pian
Figure 1. Un effort renouvelé pour accélérer l'élimination
Le concept d’élimination suppose de nombreuses techniques et modalités, choisies en fonction de chacune des maladies. L’encadré 2 présente les définitions des différents niveaux d’élimination des maladies (3).
Encadré 2. Définitions des différents niveaux d’élimination des maladies
Élimination en tant que problème de santé publique
Élimination de la transmission
Éradication
Extinction
Concrétisation des cibles mondiales mesurables établies par l’OMS pour une maladie donnée. Quand ces cibles sont atteintes, la poursuite des interventions est nécessaire pour les maintenir ou progresser vers l'élimination de la transmission.
Appelée également interruption de la transmission
Réduction à zéro, à la suite d'efforts délibérés, de l'incidence d'une infection due à un pathogène donné dans une zone géographique définie, avec réduction au minimum du risque de réintroduction
Réduction à zéro permanente, à la suite d'efforts délibérés, d'un pathogène donné, sans aucun risque de réintroduction
Éradication d’un pathogène donné de sorte que celui-ci n’existe plus dans la nature ou en laboratoire, ce qui peut, ou non, être la conséquence d'efforts délibérés.
Un plan audacieux pour l’élimination
Les États Membres peuvent adapter et mettre en œuvre le cadre conceptuel de l’Initiative d’élimination des maladies (voir figure 2). Outre ses quatre axes d'intervention (détaillés ci-dessous), ce cadre reconnaît que les efforts d’élimination des maladies exigent souvent des interventions ciblées délivrées à des étapes précises du parcours de vie, par exemple lors de la grossesse, à l’âge préscolaire, à l’âge scolaire, à l’adolescence, à l’âge de l’adulte actif et lors de la vieillesse.
L’initiative privilégie également les approches fondées sur l’égalité des sexes, les droits de la personne et les populations en situation de vulnérabilité, en intervenant sur les déterminants sociaux de la santé tels que définis par l’OMS (soit les conditions dans lesquelles les êtres humains naissent, grandissent, travaillent, vivent et vieillissent, et l'ensemble élargi de forces et de systèmes qui déterminent les problèmes de santé au quotidien) (4). Cette initiative cible les groupes confrontés à une charge de morbidité plus importante en raison de facteurs sociaux, économiques et systémiques complexes, notamment les femmes, les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les communautés rurales, les personnes LGBT, la population migrante et la population carcérale. Au fur et à mesure que les pays progressent vers l'élimination des maladies, l'initiative s'efforce d’appréhender et d'améliorer les réalités sous-jacentes qui peuvent pénaliser les efforts déployés au sein de ces communautés.
Figure 2. Cadre conceptuel : axes d'intervention pour l’élimination intégrée des maladies

Les quatre axes d'intervention
Quatre axes d'intervention ont été établis pour orienter l’Initiative d’élimination des maladies, renforcer les capacités des pays et assurer la pérennité de l’initiative. Chaque axe d'intervention est présenté ci-dessous :
1 Renforcer l'intégration des systèmes de santé et de la prestation des services
Bien qu’efficaces pour atteindre des cibles données, les programmes de santé verticaux peuvent créer des obstacles à des soins de santé complets. L’Initiative d’élimination des maladies s’attaque à ce problème en combinant des interventions contre plusieurs maladies dans les services existants et en élaborant des approches novatrices, tout en ciblant le renforcement des soins de santé primaires au niveau communautaire. Cette stratégie globale améliore l’intégration des services sur un ensemble diversifié de domaines de la santé, accroît le recours aux services de santé et renforce les liens entre les services de santé et les communautés, tout en garantissant l’accès aux médicaments et aux technologies de la santé essentiels. En favorisant des services de santé intégrés et de haute qualité, cette approche favorise la concrétisation et le maintien des cibles d’élimination de plusieurs maladies, ce qui améliore les résultats globaux en matière de santé chez les personnes et dans les communautés.
2 Consolider les systèmes de surveillance sanitaire et d'information sur la santé
Les systèmes d’information sanitaire fonctionnent souvent de manière cloisonnée, avec une surveillance fragmentée d'un secteur à l'autre et une communication limitée entre les niveaux communautaire, régional et national. L’intégration de ces systèmes peut créer des gains d’efficience et des synergies bénéfiques à la lutte contre de multiples maladies et problèmes dans le cadre de l’Initiative d’élimination des maladies. Cette intégration nécessite de renforcer la capacité des pays à mettre à niveau et à harmoniser les systèmes de surveillance, ce qui autorise une détection, une évaluation, un suivi et une notification plus efficaces des données de santé d’un domaine programmatique concerné à l’autre. En outre, l’interopérabilité des systèmes d’information sanitaire est vitale pour l’élimination des maladies : elle contribue à améliorer la circulation de l’information pour une meilleure prise de décisions, une meilleure continuité des soins et une collaboration transfrontalière nécessaire à l’efficacité des efforts régionaux d’élimination des maladies.
3 Intervenir sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé
Les maladies transmissibles ont un impact disproportionné sur les communautés aux ressources limitées et sur d’autres groupes marginalisés. Dans l’ensemble, les maladies visées par l’Initiative d’élimination des maladies sont liées à divers déterminants sociaux de la santé, parmi lesquels l’accès à une eau potable et à un assainissement de base, les conditions de logement, les risques liés aux changements climatiques, l’iniquité entre les sexes, la stigmatisation et la discrimination, les facteurs socioculturels et la pauvreté. Même les interventions fondées sur des données probantes et présentant un bon rapport coût-efficacité en matière de maladies transmissibles – la vaccination, par exemple – ont un impact limité si l'on n’aborde pas les iniquités en matière de santé liées aux déterminants sociaux et environnementaux. Les interventions centrées sur la personne exigent donc de cibler les causes profondes des disparités. La résolution de ces facteurs peut contribuer à briser les cycles de la pauvreté (et d’autres sources d’iniquité) tout en ciblant plus efficacement l’élimination de plusieurs maladies.
4 Renforcer la gouvernance, la gestion stratégique et le financement
Pour mettre pleinement en œuvre des programmes de santé intégrés, il est essentiel de stimuler et de généraliser la collaboration intersectorielle, non seulement entre différentes institutions gouvernementales (par exemple les institutions de santé, d’éducation et de financement), mais aussi avec des secteurs non gouvernementaux. Pour coordonner les divers partenaires, ce processus doit avoir recours au dialogue avec le secteur privé et la société civile, ainsi qu’avec un ensemble de secteurs gouvernementaux. Cela permettra aux autorités sanitaires de définir clairement les rôles et les responsabilités de chaque acteur participant au programme d’élimination des maladies transmissibles. Il est en particulier essentiel de renforcer le leadership au cours du processus décisionnel des administrations provinciales, départementales et municipales, ainsi que celui de la société civile via des accords gouvernementaux, afin de garantir que les initiatives et les interventions en matière de santé sont adaptées au contexte communautaire.
Encadré 3. Exemples d'interventions adoptées dans le cadre de l'Initiative d'élimination des maladies
Renforcer l'intégration des systèmes de santé et de la prestation des services :
- Renforcer les capacités des agents de santé primaires sur un éventail de questions de santé, afin que ceux-ci puissent détecter et résoudre plusieurs problèmes de santé (dépistage, diagnostic et traitement) en une seule consultation ;
- Renforcer les services de laboratoire et de diagnostic à l’échelle communautaire ;
- Améliorer la planification, l’approvisionnement et la fourniture de produits de santé publique, comme les vaccins et les antiviraux, pour les programmes nationaux.
Consolider les systèmes de surveillance sanitaire et d'information sur la santé
- Entreprendre une cartographie combinée de toutes les maladies et tous les problèmes visés par l’initiative, afin de mieux déterminer les constantes, de cibler judicieusement les ressources et de coordonner efficacement les stratégies concernant de multiples maladies ;
- Former et assister les responsables des systèmes d’information sanitaire et de surveillance environnementale ;
- Fournir à toutes les parties prenantes une rétroaction périodique sur les progrès accomplis relativement à la feuille de route pour l’élimination.
Intervenir sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé
- Promouvoir la participation de la société civile à la gouvernance, à la planification et à la cartographie participatives locales, afin de déterminer les principales voies d’élimination des maladies transmissibles ;
- Favoriser les approches multiculturelles dans le cadre de l’autonomisation des communautés ;
- Améliorer la collaboration intersectorielle pour s’attaquer à un ensemble de problèmes, de l'accès à l’eau et à un assainissement de base à la gestion des déchets solides, à l’amélioration des logements, etc.
Renforcer la gouvernance, la gestion stratégique et le financement
- Renforcer la confiance et les partenariats avec les gouvernements municipaux et la société civile pour concrétiser les cibles de l’initiative ;
- Mobiliser des ressources locales, infrarégionales et régionales pour garantir la pérennité des efforts de lutte contre les maladies transmissibles ;
- Améliorer les investissements financiers pour accroître l’accès à des technologies de santé novatrices et rentables.
Étapes et réalisations régionales marquantes : de 1902 à aujourd’hui
Encadré 4. L’élimination des maladies est la raison d'être de l'OPS
En 1870, une épidémie de fièvre jaune a frappé l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay et, en huit ans, a atteint les États-Unis, où elle a tué plus de 20 000 personnes. Le transport maritime, qui se développait rapidement parallèlement au commerce international, était la principale voie de propagation internationale de la maladie à la fin du XIXe siècle. Cette nécessité de protéger la santé des populations et les économies nationales en luttant contre la transmission de la fièvre jaune dans la Région des Amériques a conduit à la création en décembre 1902 de l'organisation aujourd’hui connue sous le nom d’Organisation panaméricaine de la Santé, ou OPS.
La riche histoire de l’OPS dans la lutte contre les maladies transmissibles
Depuis la création de l'OPS en 1902, la Région a accompli d’importants progrès en matière d'élimination des maladies. Parmi les premières réalisations notables, mentionnons des progrès substantiels dans la lutte contre la fièvre jaune, notamment après la découverte de sa transmission par les moustiques au début des années 1900. Un autre des premiers jalons a été la reconnaissance dans le Code sanitaire panaméricain, ratifié en 1924 et toujours en vigueur aujourd’hui, du fait que la santé est un droit de tous les pays et de tous les peuples.
Alors que les vaccins antirabique et antivariolique avaient déjà été introduits dans la Région au XIXe siècle, plusieurs autres vaccins ont été mis à disposition au milieu du XXe siècle, notamment les vaccins antidiphtérique, antitétanique et anticoquelucheux (disponibles dans les années 1920), le vaccin antiamaril (années 1930), le vaccin antigrippal (années 1940) et le vaccin antipoliomyélitique (années 1950). Bien que la disponibilité et l’adoption de ces vaccins aient été très variables, la Région a commencé à constater une réduction spectaculaire de certaines maladies transmissibles au milieu du XXe siècle. Parmi les autres réalisations importantes au cours des premières décennies de l’OPS, citons les campagnes réussies de lutte antivectorielle dès les années 1940. En 1946, une résolution a été approuvée pour éradiquer le moustique Aedes aegypti (un vecteur de la fièvre jaune et d’autres maladies) dans la Région et celui-ci a été éliminé de plusieurs pays dans les années 1960. La prévalence du paludisme a également considérablement diminué, en grande partie grâce aux efforts de lutte contre les moustiques déployés dans les années 1940 et au lancement d’une campagne ambitieuse en 1954. Bien que cette maladie n’ait pas été complètement éliminée, ces efforts ont également permis de faire des progrès considérables dans la lutte contre la maladie de Chagas grâce à l’amélioration des logements et à l’utilisation d’insecticides.
Au début des années 1950, le concept d’éradication de certaines maladies infectieuses s’est imposé dans la Région des Amériques, qui concernait notamment le paludisme, la fièvre jaune et même la tuberculose. De plus, les campagnes menées contre le pian dans les années 1950 et 1960 ont permis à la maladie d'être proche de l’élimination dans de nombreux pays. Dans les années 1960, les dirigeants de l’OPS ont commencé à évoquer l’importance d’intégrer et de renforcer les services de santé, ce qui a eu un grand impact sur les campagnes subséquentes d’élimination des maladies.
Efforts renouvelés pour accélérer l'élimination des maladies
Finalement, la Région des Amériques a éliminé la variole en 1973 (éradication en 1980). En 1994, la Région a été certifiée exempte de poliomyélite, après des décennies d’efforts pour maîtriser l’épidémie. Au cours des dernières décennies, la Région a continué de progresser vers l’élimination du paludisme et de plusieurs maladies infectieuses négligées, notamment la lèpre, la filariose lymphatique et l’onchocercose (cécité des rivières). De nombreux pays sont également parvenus à d'importantes réductions d'incidence de la maladie de Chagas, des géohelminthiases, de la schistosomiase et de la fascioliase chez les enfants et dans d’autres populations à risque. En outre, l’une des plus belles réussites mondiales en matière d’élimination de la transmission mère-enfant est le fait de la Région des Amériques. En 2015, Cuba a ainsi été validé par l’OPS et l’OMS comme le premier pays au monde à avoir éliminé la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis (5). Au cours de la dernière décennie également, la rubéole, le syndrome de rubéole congénitale et le tétanos néonatal ont été éliminés de la Région.
Depuis la création de l’Organisation, le soutien technique et le pouvoir fédérateur de l’OPS ont été essentiels pour rassembler diverses parties prenantes autour d’une mission commune d’élimination des maladies. Ces réalisations sont cependant le résultat d’efforts collaboratifs entre l’OPS et les États Membres, appuyés par l'engagement ferme des gouvernements, des agents de santé, des communautés, des partenaires et des donateurs. En s'appuyant sur plus d’un siècle de données scientifiques probantes fiables, l’OPS a lancé un appel fort à l’action et s’est appuyée sur les réalisations passées en instaurant l’Initiative d’élimination des maladies.
Encadré 5. Engagements menant à l’Initiative d’élimination des maladies
L’Initiative d’élimination des maladies n’est en aucun cas le premier engagement à éliminer les maladies dans la Région des Amériques. Au cours des dernières décennies notamment, les États Membres de l’OPS ont approuvé des dizaines de résolutions visant à éliminer des maladies, dont certaines portaient sur plusieurs maladies. On trouvera ci-après quelques exemples de résolutions et d’engagements pris dans la Région :
- En 1990, l’OPS a adopté une résolution qui visait à éliminer plusieurs maladies – notamment la poliomyélite, la rougeole, le tétanos néonatal, la rage et la fièvre aphteuse – à l'échéance de l’an 2000 ;
- Dès 2000, les efforts déployés par l’OPS et les États Membres pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement ont été essentiels à la progression continue vers l’élimination des maladies ;
- En 2009, une résolution de l’OPS appelait à l’élimination et à la lutte contre 12 maladies négligées dans la Région des Amériques à l'échéance de 2015 ;
- En 2010, les États Membres de l’OPS ont approuvé une résolution qui visait à éliminer la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis congénitale ;
- En 2015, la Consultation régionale sur l’élimination des maladies dans la Région des Amériques a mobilisé les États Membres autour de la question et établi le plan directeur de l’Initiative d’élimination des maladies;
- En 2016, un plan d’action appelait à la prévention, à la maîtrise et à la réduction des charges associées aux maladies infectieuses négligées.
En raison de ces engagements continus, ainsi que des efforts considérables déployés dans toute la Région pour accroître les taux de vaccination, intensifier les capacités des pays, renforcer les systèmes de santé et augmenter les financements nationaux, les efforts d’élimination des maladies ont pris de l’ampleur en 2019 avec le lancement de l’Initiative d’élimination des maladies. Cependant, ces résolutions n’offraient qu’une partie de la solution et n’incluaient que certains groupes de maladies. L’initiative a alors proposé un cadre élargi et plus audacieux pour éliminer plusieurs maladies en travaillant sur de multiples fronts.
© OPS
Approches issues des efforts antérieurs d’élimination des maladies
Au fil du temps, l’OPS et les États Membres ont documenté leurs expériences et leurs connaissances pratiques en matière d’élimination des maladies, qui constituent le fondement de cette initiative, notamment de ses axes d'intervention. Certains des principaux enseignements et approches intégrés à l’initiative sont résumés ci-dessous.
Avantages des programmes intégrés
Traditionnellement, les efforts d’élimination des maladies ciblaient des maladies envisagées de manière indépendante. Bien que chaque maladie doive en effet être appréhendée en tant que telle (modes de transmission, traitements efficaces, vaccins, etc.), le fait d'envisager chaque maladie de manière isolée peut constituer un facteur limitant. En étudiant plusieurs maladies en même temps, les États Membres ont déterminé des défis communs liés aux politiques, aux programmes et aux services. Par exemple, les maladies à prévention vaccinale ont souvent en commun des facteurs de risque, des modes de transmission, des mesures de prévention, et nécessitent également les mêmes fournitures. Les systèmes de santé qui adoptent une approche plus intégrée pour gérer les programmes de lutte contre les maladies peuvent ainsi être plus efficaces pour atteindre les objectifs communs.
Au fil du temps, l’OPS et ses États Membres ont pris conscience de la nécessité de trouver des solutions et de planifier des programmes pour lutter contre plusieurs maladies appréhendées ensemble. En 2015, l’OPS a organisé la Consultation régionale sur l’élimination des maladies dans la Région des Amériques, afin de discuter de la progression des efforts d’élimination dans la Région et de regrouper dans un ensemble intégré divers mandats et stratégies axés sur des maladies transmissibles envisagées indépendamment. La consultation a mis en évidence de nombreuses synergies et possibilités de collaboration et d’intégration des programmes d’élimination des maladies, dans l’optique de réduire la fragmentation, d’améliorer la rentabilité et de mieux répondre aux besoins des communautés. Par exemple, les programmes peuvent tirer parti d’un partage des produits de diagnostic en utilisant les mêmes plateformes d’échantillonnage et de test pour diagnostiquer avec efficience plusieurs maladies (ce qui permet non seulement de réduire les coûts, mais aussi de garantir des diagnostics précis et rapides pour diverses affections). En bref, les experts participant à cette consultation ont reconnu l’importance de l’intégration à tous les niveaux – services de santé, services de laboratoire et de diagnostic, formation des agents de santé, systèmes d’information, etc. (6). Cette réunion a ainsi constitué la pierre angulaire de l’Initiative d’élimination des maladies.
Ce constat est le fondement de l'axe d'intervention stratégique 1 de l’initiative : renforcer l’intégration des systèmes de santé et de la prestation des services.
Nécessité de renforcer les systèmes d’échange de connaissances et d’informations
Au fil des décennies, alors que l’OPS et les États Membres surveillaient de différentes maladies et problèmes, ils ont pris conscience de la nécessité de disposer de systèmes de collecte de données fiables pour partager et échanger efficacement les informations et les connaissances. La consultation régionale de 2015 a déterminé le besoin d’un programme de recherche axé sur l’élimination des obstacles, soulignant ainsi la nécessité de disposer de solutions immédiatement applicables sur le terrain, qui aideraient les pays à atteindre les objectifs d’élimination. Elle a également souligné la nécessité de disposer de données de surveillance de qualité (6).
En l’absence de systèmes de surveillance rapides et efficients qui couvrent tous les niveaux d’un système de santé (du niveau local aux niveaux national et régional) les États Membres ne peuvent pas prendre de décisions éclairées en matière de politique, de financement et de services. Des systèmes de données plus fiables peuvent contribuer à déterminer les lacunes et à permettre de préciser quels groupes sont laissés pour compte, quelles maladies ne sont pas prises en compte et où des ressources supplémentaires sont nécessaires. La technologie ne cesse de progresser et les États Membres ont désormais accès à des systèmes numériques de santé et de partage de données plus sophistiqués. L’Initiative d’élimination des maladies contribue à garantir le renforcement de ces systèmes, afin que les données probantes puissent être utilisées plus efficacement.
Ce constat est le fondement de l'axe d'intervention stratégique 2 de l’initiative : consolider les systèmes de surveillance sanitaire et d’information sur la santé.
Importance d’aborder la santé de manière globale
Les États Membres ont appris au fil du temps que les variations de la charge de morbidité sont souvent liées aux déterminants sociaux de la santé. Plus précisément, l'impact de nombreuses maladies et problèmes est maximal sur les populations qui vivent en situations de vulnérabilité, sont marginalisées sur le plan socio-économique ou éprouvent des difficultés à accéder aux services de santé. Le trachome, par exemple, touche le plus souvent des personnes vivant dans l’extrême pauvreté. Sa transmission est dictée par des déterminants sociaux et environnementaux tels que les conditions sanitaires, l’hygiène et la surpopulation (7). Autre exemple, la tuberculose : les milieux surpeuplés et mal ventilés et la sous-nutrition (autant de facteurs associés à la pauvreté) sont des facteurs de risque directs de la transmission de cette maladie (8). En ajustant les interventions à des groupes donnés, les systèmes de santé peuvent garantir que les efforts d’élimination des maladies sont inclusifs et accessibles, et qu'ils répondent aux divers besoins de tous les membres de la communauté, en particulier ceux qui sont souvent négligés par les systèmes de santé traditionnels.
Outre la prise en compte des déterminants sociaux et environnementaux de la santé, l’initiative s’est appuyée sur des années de données sur les programmes, qui montrent l’importance de prendre en compte les différentes étapes du parcours de vie. Par exemple, les femmes enceintes courent un risque accru de gravité des symptômes lorsqu’elles présentent certaines infections, comme la rougeole ou le paludisme.
Ces constats constituent le fondement de l'axe d'intervention stratégique 3 de l’initiative : intervenir sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé.
Avantages d’une approche multisectorielle
L’OPS est particulièrement bien placée pour réunir les parties prenantes et poursuivre sur la lancée de l’élimination des maladies. Au fil des ans, l’Organisation et ses partenaires ont réuni des équipes de scientifiques et des groupes consultatifs techniques dédiés à un ensemble de maladies, de la tuberculose au VIH en passant par la maladie de Chagas. En outre, l’OPS facilite la collaboration multisectorielle entre les gouvernements, les bailleurs de fonds, le secteur privé, les communautés, les organisations de la société civile et d’autres acteurs. Cette collaboration contribue, entre autres avantages, à réduire les coûts des fournitures et des vaccins pour les États Membres. Par exemple, par l’intermédiaire des Fonds renouvelables régionaux, l’OPS a amélioré l’accès au vaccin contre le virus du papillome humain (VPH), essentiel pour prévenir le cancer du col de l’utérus. À la fin des années 2000, en collaboration avec des fabricants privés, l’OPS a négocié au nom des pays participants, afin de réduire le prix du vaccin anti-VPH de plus d’US$ 120 par dose en 2007 à moins d’US$ 10 par dose (9).
D’autres partenariats multisectoriels au sein des États Membres se sont également révélés cruciaux pour les efforts d’élimination des maladies. Par exemple, dans le domaine de la prévention et du traitement du VIH, des partenariats multisectoriels ont réuni diverses parties prenantes, notamment des gouvernements, des organisations non gouvernementales, des entreprises, des agents de santé, des établissements d’enseignement et des organisations confessionnelles. Ces collaborations ont permis d’adopter une approche plus globale en combinant les ressources, les expertises et les champs d’action pour s’attaquer simultanément à divers aspects de l’épidémie. Au cours des dernières décennies, ces partenariats ont permis une diffusion élargie de l’information sur la prévention, amélioré l’accès au dépistage et au traitement, et contribué à lutter contre la stigmatisation grâce à des efforts coordonnés entre les différents secteurs de la société.
Ce constat est le fondement de l'axe d'intervention stratégique 4 de l’initiative: renforcer la gouvernance, la gestion stratégique et le financement.
Obstacles et lacunes
L’Initiative d’élimination s’appuie sur des années d’expérience d’amélioration des systèmes de santé et de promotion de la coopération entre différents secteurs. Toutefois, plusieurs obstacles pourraient entraver les progrès vers les objectifs de l’initiative :
- La migration : les déplacements de personnes, tant au sein des pays de la Région que d'un pays à l'autre, peuvent avoir un impact important sur l’élimination des maladies. Les principaux problèmes incluent le potentiel de transmission transfrontalière des maladies, l’accès limité aux soins de santé pour les migrants, le manque de services de santé respectueux sur le plan culturel, et les difficultés à suivre et à gérer les efforts de prévention et de traitement dans les communautés mobiles et transfrontalières.
- L’essor des maladies non transmissibles : la progression des maladies non transmissibles (MNT) est devenue l’un des problèmes les plus urgents auxquels la Région des Amériques a été confrontée ces dernières années (10). Parmi les exemples possibles de MNT, citons le diabète, les cardiopathies, les accidents vasculaires cérébraux, le cancer et les maladies pulmonaires chroniques (11). Outre le fait d'être en concurrence pour des fonds limités, les MNT peuvent souvent créer des complications pour le traitement des maladies transmissibles, en particulier les infections chroniques.
- Les iniquités existantes en matière de santé : l'examen de la documentation laisse fortement penser que les groupes confrontés à des inégalités sociales et économiques sont systématiquement plus à risque de maladies transmissibles (12). Les communautés marginalisées sont plus vulnérables aux maladies transmissibles en raison d’une interaction complexe de facteurs, notamment l’accès limité aux soins de santé, les mauvaises conditions de vie, les disparités économiques, le faible niveau de connaissances en matière de santé et le défaut systémique de soins, fruit d'une discrimination et d'une absence de représentation politique. De plus, lorsque ces maladies affectent ces communautés, elles peuvent exacerber les conditions d’inégalité, ce qui crée un cercle vicieux.
- La stigmatisation et la discrimination : les groupes souvent confrontés à une stigmatisation et à une discrimination en matière de soins de santé comprennent les personnes LGBT (en particulier les personnes transgenres), les communautés autochtones, les immigrants sans papiers, les travailleurs du sexe et les personnes atteintes de certaines maladies transmissibles (par exemple le VIH, la tuberculose et l’hépatite), ainsi qu’un éventail d’autres groupes. La stigmatisation et la discrimination dans les établissements de soins peuvent entraver les efforts élargis d’élimination en décourageant les personnes malades de demander des soins (ou en ne les traitant pas efficacement lorsqu’elles les demandent), ce qui entraîne des retards de diagnostic et de traitement, une diminution de l’observance thérapeutique et une divulgation incomplète des informations sur la santé aux prestataires de soins.
- L'impact des changements climatiques : les changements climatiques peuvent avoir des répercussions sur les efforts de l’initiative de plusieurs façons. Les changements de température, de précipitations et d’humidité peuvent modifier la transmission vectorielle des maladies. Ils peuvent également conduire à l’émergence de nouveaux agents pathogènes en modifiant les conditions météorologiques et les habitats. Les changements climatiques peuvent aussi avoir un impact sur la diversité, sur la saison et sur l’intensité des maladies infectieuses (13, 14). En outre, ils peuvent exacerber les conditions d’inégalité, ce qui peut accroître le risque de maladies transmissibles.
- Les interactions humain-animal-environnement : l’élimination des zoonoses négligées, comme la rage, et la caractérisation des réservoirs selvatiques et des vecteurs connexes de maladies à tendance épidémique, comme la fièvre jaune et la peste, nécessitent une surveillance intégrée et des interventions coordonnées. Une approche « Une seule santé » peut résoudre ce problème.
- Les contraintes en matière de ressources : il peut être difficile de soutenir les efforts d’élimination des maladies dans des contextes où les ressources sont déjà limitées. Les financements pouvant être cloisonnés et limités, les maladies transmissibles posent des défis importants à des budgets gouvernementaux de santé déjà tendus, car ceux-ci sont confrontés à un éventail croissant de menaces sanitaires, notamment l’incidence croissante des MNT et les effets des changements climatiques sur la santé. En outre, une grande partie des programmes et des financements mondiaux a été orientée vers certaines maladies « très médiatisées » comme le VIH, la tuberculose et le paludisme, ce qui a laissé de côté d’autres maladies, comme les maladies infectieuses négligées et les zoonoses.
- Les nouvelles maladies transmissibles, dont la COVID-19 : comme ce fut le cas à l’échelle mondiale, la pandémie de COVID-19 a souligné et exacerbé la nécessité de renforcer les systèmes et les services de santé dans la Région des Amériques. Lorsque de nouvelles maladies apparaissent, les pays doivent souvent réorienter leurs ressources et leurs efforts pour cibler ces nouvelles pathologies, ce qui compromet les progrès accomplis vers l’élimination de maladies existantes (15). De plus, les nouvelles maladies peuvent souvent contribuer à une « syndémie », c’est-à-dire une situation dans laquelle deux, voire plus, états pathologiques ou conditions de santé interagissent en synergie, et contribuent ainsi à une charge de morbidité excessive dans une population donnée.
- La résistance aux antimicrobiens : la résistance aux antimicrobiens menace l'efficacité de la prévention et du traitement d'un ensemble de maladies infectieuses dues à des bactéries, des parasites, des virus ou des champignons (notamment bon nombre des plus de 30 maladies incluses à l’initiative). Plus précisément, la résistance aux antimicrobiens réduit l’efficacité réelle des médicaments utilisés pour traiter les infections, ce qui peut rendre plus difficile, voire impossible, de maîtriser des maladies auparavant gérables ou curables, et elle permet aux souches résistantes de se propager. Ce phénomène peut grandement compromettre les progrès vers les cibles d’élimination.
Possibilités
Malgré les défis auxquels elle est confrontée, la Région présente également de nombreuses possibilités permettant de parvenir à l’élimination des maladies transmissibles. Si l’intégration des services de santé, en mettant l’accent sur les soins de santé primaires, est une priorité pour l'ensemble des gouvernements (au-delà des maladies transmissibles), elle peut être mise à profit alors que les pays s’efforcent d’éliminer les maladies transmissibles. Les stratégies transversales de renforcement des capacités, notamment les mécanismes comme les Fonds renouvelables régionaux, offrent un appui essentiel pour garantir une distribution efficiente et rapide des médicaments et des technologies de santé au sein de la Région. Dans le même ordre d’idées, l’accent mis sur la souveraineté sanitaire de la Région des Amériques concourt à renforcer la production régionale de vaccins, de médicaments et de ressources de santé publique, ce qui contribue à garantir l’accès à ces produits essentiels.
La reconnaissance croissante de l’importance de la participation communautaire et de la recherche participative communautaire offre des solutions possibles aux défis actuels, en matière notamment de satisfaction des besoins des groupes marginalisés et de stimulation des demandes de services relativement aux maladies ciblées. L’amélioration des technologies débouche également sur des outils novateurs et importants en matière de surveillance, de traitement, d’intégration et de prise en charge des maladies. À mesure que les gouvernements prennent conscience des déterminants sociaux de la santé, ils peuvent répondre plus efficacement à l'ensemble des besoins des personnes, ce qui contribue à rompre le cercle vicieux du risque de maladie dans les communautés marginalisées.
De plus, le concept même d’Initiative d’élimination des maladies représente une grande opportunité. Le terme « élimination » délivre un message fort, qui peut plaire aux gouvernements et aux politiciens, et leur offrir un moyen d'afficher des résultats et de susciter un véritable changement. Cela peut déclencher un intérêt et stimuler des engagements politiques.
Enfin, si la pandémie de COVID-19 a posé d’importants défis aux systèmes de santé sur l’ensemble de la Région, elle a également offert des possibilités uniques. Elle a tout d’abord considérablement accru la perception de l’importance de la santé pour la stabilité sociale, économique et politique. Elle a également accéléré l’adoption de certaines innovations relatives à la prestation des services, et créé, ce faisant, la possibilité unique d’appliquer de la même manière ces innovations aux futurs défis sanitaires (15).

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Références
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- Organisation panaméricaine de la Santé. Initiative de l’OPS pour l’élimination des maladies : une politique visant à appliquer une approche intégrée et durable aux maladies transmissibles dans les Amériques [résolution CD57.R7]. 57e Conseil directeur, 71e session du Comité régional de l'OMS pour les Amériques ; du 30 septembre au 4 octobre 2019. Washington, D.C. : OPS ; 2019. Disponible sur : https://iris.paho.org/handle/10665.2/58141.
- Organisation mondiale de la Santé. Eighth report of the Strategic and Technical Advisory Group for Neglected Tropical Diseases (STAG-NTDs). Genève : OMS ; 2015. Disponible sur : https://cdn.who.int/media/docs/default-source/ntds/strategic-and-advisory-group-on-neglected-tropical-diseases-%28stag-ntds%29/eighth-ntd-stag-report-2015.pdf.
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SUJET ACTUEL
CHAPITRES
- Résumé d'orientation
- Présentation générale de l'Initiative d'élimination des maladies
- Progrès régionaux vers les cibles d’élimination des maladies
- Perspectives sur les interventions propres à des maladies spécifiques
- Comment accélérer les efforts d'élimination dans la Région
- Parvenir a l'elimination